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Pour Tim Cook, le patron d'Apple, « certains Gafa ont sans doute été arrogants »

La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, l'image des Gafa, les impôts, la baisse des ventes de l'iPhone, la guerre du streaming… De passage à Paris, Tim Cook, le président-directeur général d'Apple, se livre aux « Echos ».

Tim Cook, le président-directeur général d'Apple.
Tim Cook, le président-directeur général d'Apple. (Brooks Kraft)

Par Fabienne Schmitt, Nicolas Barré, David Barroux, Sébastien Dumoulin, Lucie Robequain

Publié le 4 oct. 2019 à 06:00Mis à jour le 4 oct. 2019 à 11:20

Donald Trump a-t-il raison d'engager le bras de fer avec la Chine ?

Il faut reconnaître qu'il soulève de vraies questions sur l'accès au marché, les déséquilibres commerciaux, la concurrence et la protection de la propriété intellectuelle. Je pense qu'il va y avoir un accord commercial avec la Chine. J'espère qu'à terme, chaque pays renoncera à la hausse des droits de douane. Il faut que nos deux pays y gagnent, sans quoi le monde y perdra. Quand les Etats-Unis ou la Chine s'enrhument, le reste du monde est sous respiration artificielle.

Quelles sont vos relations avec le président américain ?

C'est quelqu'un avec qui on peut discuter, qui répond au téléphone et qui accepte le fait que l'on ne soit pas toujours d'accord. Il écoute. J'ai l'habitude de dire les choses de façon directe, c'est ce que je fais avec le président.

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Le sujet des inégalités vous inquiète-t-il ?

La mondialisation a profité à des millions de gens dans le monde. Mais elle n'a pas profité à tout le monde, et certainement pas de manière équivalente. Cela me préoccupe beaucoup. La montée des inégalités est un défi pour les gouvernements et les entreprises. Les gouvernements ne peuvent pas tout. Cela passe sans doute par un plus grand effort en matière d'éducation, pour éviter que les écarts ne se creusent entre ceux qui profitent de la croissance et les autres. C'est capital pour la cohésion de la société.

De même que le fait de payer des impôts…

Beaucoup ne le savent pas mais Apple est le premier contribuable mondial ! Il est très important de payer ses impôts pour financer les Etats, les services publics, l'éducation, etc. Apple a toujours payé des impôts là où nous créons de la valeur. La question qui nous est posée, à nous les multinationales, est de savoir si nous payons nos impôts au bon endroit. Nous pensons que oui. Il y a des procédures en cours en Europe sur le sujet . Je souhaite que cette question soit tranchée au niveau de l'OCDE. Que les pays se mettent d'accord entre eux pour éviter les litiges. Ce qu'il faut, c'est un régime global décidé au niveau des pays de l'OCDE.

Les Gafa sont perçus comme arrogants, certains sont accusés d'abuser de leur position dominante. Entendez-vous ces critiques ?

Certains ont sans doute été arrogants, c'est vrai. D'où les critiques. S'agissant de position dominante, on ne peut absolument pas le dire d'Apple : regardez nos parts de marché. Il est difficile de dire que nous pourrions éventuellement tendre vers un monopole ! Ce n'est absolument pas dans notre ADN. Fondamentalement, nous visons l'excellence, pas la quantité.

Apple a-t-il l'intention de créer sa monnaie ?

Non. Je pense profondément que la monnaie doit rester dans les mains des Etats. Je ne suis pas à l'aise avec l'idée qu'un groupe privé crée une monnaie concurrente. Une entreprise privée n'a pas à chercher à gagner du pouvoir par ce biais. La monnaie, comme la Défense, doit rester dans les mains des Etats, c'est au coeur de leur mission. Nous élisons nos représentants pour assumer des responsabilités de gouvernement. Les entreprises ne sont pas élues, elles n'ont pas à aller sur ce terrain.

Vous avez lancé l'Apple Card cet été aux Etats-Unis. Envisagez-vous un lancement en France cette année ?

Nous réfléchissons à nous développer dans plusieurs pays. Apple doit s'appuyer sur des partenaires locaux. Nous n'avons pas l'intention de devenir une banque. Aux Etats-Unis, nous travaillons avec Goldman Sachs . En France, il faut que nous trouvions une banque de détail qui soit particulièrement agile. Le monde n'a pas besoin d'une nouvelle carte de crédit. Il a besoin que l'on repense la carte de crédit.

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Apple s'est beaucoup développé dans les services ces dernières années. Est-ce le futur de l'entreprise ?

Notre métier a toujours été d'intégrer le matériel, le logiciel et les services de manière élégante. C'est ce que nous avons fait avec l'iPhone, le Mac, l'Apple Watch… Nous continuerons à le faire. Nos produits hardware se portent bien. L'iPad est en pleine renaissance. Les « wearables », des objets connectés à porter sur soi, en sont à leurs tout débuts. Aujourd'hui, il y a bien plus de capteurs dans votre voiture que sur votre corps. Pourtant votre corps a beaucoup plus d'importance ! Avec le capteur cardiaque de l'Apple Watch, il est déjà possible de prévenir des accidents. Je pense qu'un jour pas si lointain, on dira que la plus grande réalisation d'Apple se trouve dans la santé.

Vous n'êtes pas inquiets de la baisse des ventes d'iPhone ?

Pas le moins du monde. Je ne souscris pas à l'opinion selon laquelle l'industrie des smartphones a atteint son sommet. Ce marché a environ douze ans. Le marché des PC en a quarante et est toujours en légère croissance. Ces marchés sont cycliques et actuellement dans une phase de stagnation, voire de léger recul, mais je pense que nous allons à nouveau connaître un cycle haussier.

Les services lancés par Apple, dans les jeux par exemple, sont à des prix très bas, ce qui est contraire à sa philosophie générale, pourquoi ?

Tout le sens de la démarche d'Apple c'est d'apporter le meilleur service aux consommateurs. Avec Apple Arcade, c'est la première fois qu'Apple se lance dans les jeux vidéo . J'ai rendu visite aux équipes d'Ubisoft pour la première fois dans le Sud de la France, et je trouve que tout ce que préparent les développeurs est très enthousiasmant ! Je pense vraiment qu'Apple offre quelque chose que personne d'autre n'offre sur le marché aujourd'hui et que nous pouvons toucher beaucoup de gens. Apple arrive avec sa propre offre, et créé sa propre catégorie. Nous ne sommes pas en compétition directe avec les acteurs installés du jeu vidéo.

Avec Netflix, Amazon, Warner… tous les acteurs de la tech se lancent dans la SVoD, Apple aussi, comment voyez-vous cette nouvelle guerre du streaming ?

Je ne pense pas que l'on assiste à une guerre du streaming. Demain, les consommateurs vont avoir le choix entre plusieurs types de services de SVoD et ce qu'Apple veut, c'est compter parmi eux . C'est un marché où il n'y a pas de gagnant ou de perdant, il y a plusieurs gagnants et nous espérons être l'un d'eux. Nous sommes fiers de nos équipes, du contenu que nous allons commercialiser et nous sommes impatients de le mettre en ligne.

Ne pensez-vous pas qu'il est trop tard pour rivaliser avec Netflix ?

Je n'ai pas l'impression que nous soyons vraiment en concurrence directe avec Netflix. Nous nous concentrons sur une programmation originale et exclusive quand Netflix possède un énorme catalogue. Leur proposition est donc vraiment différente. La nôtre, c'est une expérience de curation, nous croyons aux contenus originaux, exclusifs et de très haute qualité. C'est comme cela que nous pensons convaincre le consommateur. Nous savons que nous sommes une start-up sur ce marché. Nous n'avons pas encore de clients. Nous ne l'avons jamais fait auparavant. Nous avançons donc avec beaucoup d'humilité.

Apple pourrait-il acquérir des droits sportifs, quitte à payer le prix fort ?

Je ne l'exclurais pas mais nous n'avons pas de projet à ce stade. Nous y réfléchissons, cela peut avoir un sens pour Apple. Dans ce domaine, les contenus deviennent hors de prix. Mais je sais combien les gens aiment regarder du sport. Moi-même, j'en regarde beaucoup, particulièrement du football américain et du basket-ball.

VIDEO. Tim Cook aux Echos : « La France a un potentiel énorme »

Nicolas Barré

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